EDITO 29
Amateur, cobaye, bénévole
A ma connaissance (mais peut-être suis-je dans l’erreur ?), le cobaye est, en particulier, ce petit animal que l’on utilise pour des expériences destinées à faire avancer la science. Au service de, et pourtant pas de leur propre volonté, ces animaux sont manipulés contre leur gré et toujours ou presque au risque de leur vie.
Au demeurant plutôt positif, un article paru dans une revue spécialisée pour la danse, n’a pas craint d’employer ce nom pour nommer les 300 amateurs qui viennent de vivre en région Franche-Comté La pierre et les songes
Peut-être en l’écrivant, ce critique n’a-t-il pas évalué la portée de ce mot ? En faisant cette erreur lexicale, il aura assurément choqué plus d’une personne. Au moins 300 dont moi la première qui ne saurais accepter un tel dérapage de langage.
Qui étaient ces amateurs que ce critique était venu observer si ce n’est, après une année d’apprentissage et d’émotion liés à la découverte de la danse et de la relation aux autres, 300 personnes heureuses de vivre et de porter au public au cours de 3 week-end, des danses apprises ou improvisées selon les consignes qui leur avaient été données le matin même? Et qui étions nous, nous-mêmes les 22 formateurs, tous au service de cette aventure ? Au service de, mais pas à l’encontre de notre désir, ni manipulés contre notre gré, nous avions oeuvré dans ce cas précis à un apprentissage sensible du corps et de ses mécanismes, à la perception des autres à l’intérieur d’un groupe, enfin à la mise en jeu d’un duo pour chacun des amateurs et à la transmission de danses simples qu’il s’agirait le moment venu d’utiliser à chaque événement de façon différente …Ces 300 personnes de tous âges et de tous horizons s’étaient retrouvées tout au long de l’année encadrées par nous tous et divisées en plusieurs groupes, eux-mêmes destinés à être réunis plus tard pour vivre ce mois intense dont ils ne connaissaient rien mais dont ils avaient accepté l’enjeu dès l’année précédente. Une petite affichette* évoquant des collines, des silhouettes humaines, le vert de l’herbe, le marron de la colline et le bleu du ciel avait suffi à aiguiser leur curiosité.
Face à ma réaction, je comprends le risque de confusion qu’il y a à utiliser des mots pour d’autres. C’est ainsi qu’il n’est pas rare que j’entende le mot « bénévole » dans la bouche même de certains partenaires publics. Bénévolat il y a eu puisque ces personnes n’étaient pas rémunérées. Or ce mot n’évoque pas d’emblée la part de plaisir que contient à mon sens le mot « amateur », mot noble dont la racine insiste sur l’idée d’aimer.
Dans La pierre et les songes, il n’a été question que de don, d’échange : nous transmettons nos connaissances, les amateurs offrent leur présence à ces événements. En a résulté une formidable aventure humaine.