Odile Duboc
Spectacles
Vol d'oiseaux (1981)
Langages clandestins (1981)
Et couleurs, et sons, et... (1981)
Les Chemins de la Caille (1982)
Entr'actes (1983)
Avis de vent d'Ouest, force 5 à 6 (1984)
Déambulations en jardin béton (1985)
Une heure d'antenne (1985)
Nuit hexoise (1986)
Le traité d'Hippocrate (1986)
Quoi de neuf ? (1986)
Détails graphiques (1987)
Molto vivace (1987)
Prolongations (1987)
Il est huit heures moins quatre exactement (1988)
Insurrection (1989)
Overdance (1989)
Villanelles (1990)
La Valse (1990)
Repères (Villanelles-Overdance-La Valse) (1990)
Rive gauche (1990)
La Maison d'Espagne (1991)
7 jours / 7 villes (1992)
Retours de scène (1992)
Projet de la matière (1993)
80-13 (1993)
Pour mémoire (1993)
Primum saltare (1993)
Folices douces (1994)
Juste un brin (1994)
Avanti (1995)
Brins d'histoires (Juste un brin - Avanti - Folies douces) (1995)
trois boléros (1996)
Jardins mobiles (1997)
Printemps moscovite (1997)
In situ (1997)
Le colonel des zouaves (1997)
Comédie (1998)
Rhapsody in Blue (1998)
Ida y vuelta (1998)
À la suite... (1999)
Un week-end à Luxeuil (1999)
Thaïs (1999)
2000 et une danses (1999)
La mort du cygne (1999)
Les règles du savoir-vivre dans la société moderne (1999)
Le Cercle de craie caucasien (1999)
Vertiges (2000)
Le pupille veut être tuteur (2000)
J'ai mis du sable exprès, vite fait, comme ça dans mes chaussures (2001)
Le pupille veut être tuteur (2001)
Cadmus et Hermione (2001)
Maison d'arrêt (2001)
Pour tout vous dire,...conversations chorégraphiques (2001)
Traversée d'une œuvre (2002)
Cosi fan tutte (2002)
trio 03 (2003)
The Fairy Queen (2003)
Retour définitif et durable de l'être aimé (2003)
Espace complémentaire (2004)
Fairy Queen (2004)
Actéon et Les Arts Florissants (2004)
Electronic City (2005)
Échappée (2005)
Rien ne laisse présager de l'état de l'eau (2005)
La place de l'autre (2005)
O.D.I.L (2006)
Vénus et Adonis (2006)
Éclats de matière (2007)
À cet endroit (2008)
La pierre et les songes (2008)
Pour Mémoire
Pour mémoire est un espace dédié à Odile Duboc, C’est une proposition conçue comme une exposition, un trajet sensible à travers les documents et les archives d’une artiste chorégraphe. C’est un site en mouvement, libre et empirique, à la recherche d’une forme fidèle à la mémoire vivante d’Odile.
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→ Insurrection (1989)

Création chorégraphique
Vingt danseurs : Mourad Beleksir, Nordine Benchorf, Nathalie Collantes, Muriel Corbel, Vincent Druguet, Jean-Pascal Gilly, Laurence Giraud, Céline Gruyer, Emmanuelle Huynh, Stéphane Lemaire, Denis Loubaton, Pascale Luce, Nadège Macleay, Nuch, Sonia Onckelinx, Jarmo Penttila, Cécile Proust, Sylvain Prunenec, Patrice Usseglio, Dominique Verpraet.
Recherche dramaturgique et littéraire : Philippe Le Moal
Musique : Jean-Jacques Palix et Ève Couturier (Cassiber, Dimitri Chostakovitch, Odea Mathew...)
Costume : Florence Drachsler assistée de Sabine Alziary
Lumière : Françoise Michel
80 minutes
Centre national de danse contemporaine d'Angers, Le Cargo - Maison de la culture de Grenoble - Biennale nationale de danse du Val-de-Marne, Créteil


Transmission de l'Ordre établi en 2009
Vingt danseurs : Cyril Accorsi, Brigitte Asselineau, Sophie Chadefaux, Muriel Corbel, Bruno Danjoux, Catherine Dreyfus, Madeleine Fournier, Stéfany Ganachaud, Cyril Geeroms, Françoise Grolet, Stéphane Imbert, Christophe Ives, Kevin Jean, Jung-ae Kim, Anne-Karine Lescop, Geneviève Pernin, Agathe Pfauwadel, Raphaël Soleilhavoup, Yan Raballand, Françoise Rognerud.






Note d'intention :

captation interne Théâtre municipal Angers
Elian Bachini
Christiane Robin
Georges Bessonnet
partitions
images de répétition

Conversation entre Françoise Michel, Julie Perrin, et Agathe Pfauwadel.
à propos de la musique :
à propos des tournées :
à propos de codicille :
à propos de l'Ordre Etabli :

Ordre Etabli à Reims, 2009
Laszlo Horvath

L'acte politique
Insurrection

Vingt minutes pour vingt danseurs - telle est la proposition de la Biennale du Val-de-Marne faite à plusieurs chorégraphes, pour 1989. Odile Duboc accepte le défi de créer pour un grand groupe et convient, avec Françoise Michel et Philippe Le Moal de profiter de la proposition et d’en élargir la portée : les vingt minutes de Codicille succéderont ainsi à "l’ordre établi" et "l’insurrection" pour former une pièce à part entière - Insurrection -, dont la maîtrise vaudra la reconnaissance de la profession comme du public.
C’est le bicentenaire de la Révolution française mais la chorégraphe entend traiter le mouvement insurrectionnel d’une façon chorégraphique, loin de toute commémoration ou illustration directe. La réflexion sur le groupe et sa structure soutient un propos politique qui dépasse la seule référence historique. La chorégraphe écrit alors : "…l’ordre chorégraphique établi, ma situation présente, tout aujourd’hui m’entraîne dans une marée de désirs chorégraphiques dont certains éléments latents n’ont jamais été affranchis : ce jour veut que je parle et qu’on reconnaisse mon langage". (13 mai 1988). Le souffle et l’élan conduisant au soulèvement s’avèrent donc tout autant personnels.

"L’ordre établi" s’appuie sur la danse régulière et uniforme d’un groupe ordonné avec précision. L’unisson parfait confine à l’homogénéisation des corps. Le costume contraint les danseurs - pieds emprisonnés dans des sabots en forme de pavé, coiffes mordorées, bandelettes roses enroulées autour des costumes gris. Enfin, la répétition entêtante de trois notes de violoncelles enserre l’ensemble. Les décrochements sans élans, les corps infaillibles (déplacements inexorables, attitudes, relevés, dégagés, ports de bras…) participent à la mécanique implacable d’une logique sans issue. Une force immuable se dégage de cette danse, suscitant tout à la fois fascination et rejet. Face à ce mécanisme bien huilé, on éprouve une puissance hypnotique aussitôt doublée d’une inquiétude : cet "ordre établi" tient de l’armée en marche - déploiement régulier, avancée frontale, répétition du geste… Les ressorts de cette chorégraphie renvoient aux rouages d’une machine sociale, mais également à un certain académisme dont se méfie la danse contemporaine de cette époque, qui cherche à se libérer de certains codes classiques.

L’enrayement - le grippage - viendra d’une chute, comme dans Le Sacre du printemps de Nijinski. Progressivement, mais non sans heurts, les danseurs abandonnent leurs carcans, tandis que l’espace si frontal et compact au départ, se disloque. Des clans se forment et l’insurrection s’organise. Les portés sans passion de "l’ordre établi" laissent place à des rencontres houleuses et parfois fraternelles. La confrontation des corps, dans l’ "insurrection", annonce la quête d’un autre rapport entre les danseurs, la nécessité d’un contact. Les visages sévères se dénouent. Pourtant, les traces de "l’ordre établi" ressurgissent ça et là, comme une faiblesse, un renoncement à la résistance. Et le retour de tous, face au public, dans l’agencement ordonné d’une marche lente, signale la défaite du soulèvement. Sonia Onckelinx, ultime résistante roulant au sol, est ignorée et piétinée par la masse. Une masse encore fragile mais qui porte déjà la marque d’une résignation, d’un retour inéluctable à l’ordre précédent. Un chant partisan italien tente pourtant de souder la communauté, de la ramener au souvenir de la révolte collective.

Codicille clôt la pièce. Il repose sur l’agencement de petites danses proposées par les interprètes. Echanges de regards complices, sourires, rencontres, le groupe en cercle ou rassemblé encourage les danseurs en piste. Une petite communauté solidaire se constitue librement. Les individus y rayonnent. "Odile propose là une autre vision du monde, commente Françoise Michel. Après l’échec de l’insurrection qui aboutit au retour du modèle oppressif, elle tente de construire un monde plus intelligent, plus ouvert, fait de regards, d’écoute, de dons ; c’est un monde de rêve totalement utopique".

La structure d’Insurrection vient confirmer le goût d’Odile Duboc pour les ensembles et amorce un tournant dans sa façon d’envisager le travail avec les interprètes. D’abord, elle sort du plateau afin de régler la chorégraphie. Ensuite, bien qu’une partie de la danse soit toujours proposée par la chorégraphe, elle donne désormais une plus large place à la recherche de ses interprètes qui vont inventer leurs propres matériaux. La construction chorégraphique relève alors de la sélection puis l’agencement des éléments proposés. Les pièces suivantes feront alterner ces deux tendances et Odile Duboc reconnaît que son écriture disparaît peu à peu, au profit d’improvisations et compositions dirigées dans lesquelles elle oriente ce qu’elle désire voir, mais accepte également de se laisser surprendre.

La composition pour de grands groupes caractérise sans doute l’écriture dubocienne : elle témoigne, dit la chorégraphe, de ses aspirations intérieures portées par des flots d’énergie et elle accroît la "puissance de perception". Nappes successives, canons, décrochements, tuilage ordonnent les ensembles qu’une respiration commune réunit. Suspensions, syncopes et contrepoints rythment la mélodie formée par la danse et une chute, bien souvent, vient interrompre ou ponctuer l’élan. Douce descente au sol dans le troisième boléro, chutes explosives dans J’ai mis du sable…, chutes succédant au decrescendo d’une course… l’espace bascule entre verticalité et horizontalité. Déjà, dans La Valse, la chorégraphie reposait sur le glissement des corps, sur ces vertiges subtils alimentés sans cesse par le jeu des danseurs avec la gravité. Un fil invisible semblait toujours relier les quatre interprètes dans leurs trajets communs ou décalés. Comme Trisha Brown, Odile Duboc utilise l’image des bancs de poissons que nulle dispersion ne parvient à véritablement séparer.

Julie Perrin, 25 ans de création, 2006